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fév 12

Le Rhum fantôme ou l’art de l’arnaque vieillie en fut de chêne

Santiago de Cuba le 4 février 2015

J’avais déjà fait état état de l’art de la combine à Cuba surtout lorsqu’il s’agit de récupérer les CUC (peso convertible) des touristes.

Je rédige ces lignes au moment où nous quittons Santiago de Cuba et à l’instant où nous passons devant la base militaire de Guantanamo, une mer calme (mer calme et assez de vent pour avancer vers l’Est, le rêve!) me permet de reconstruire le fil de 2 rencontres hier dans la vile de Santiago de Cuba que nous visitions. Et, avec 48h de retard, la vérité me saute aux yeux tellement clairement que je m’étonne de ne pas avoir tilté plus vite. Il faut dire que l’arnaque est finement ciselée!

En descendant du taxi nous tombons comme par magie sur Youri, un cubain qui maîtrise le français. C’est le premier que nous rencontrons après 3 semaines à Cuba. Ils nous aborde en disant qu’il nous a vus à la marina la veille car il travaille au bowling. Jusque là rien d’exceptionnel. Il y a un bowling à la marina et il peut nous avoir vus.

Nous engageons la discussion, il est sympathique, nous indique la banque pour que j’y retire les devises nécessaires à notre plein de carburant. Puis, il nous guide dans les rues de Santiago, nous explique l’histoire des bâtiments. Je suis devenu méfiant, et c’est le moment où je me demande quand ça dégénère en demande de monnaie pour le guide non sollicité ou autre chose mais non. Après tout, un cubain bien intentionné, pourquoi pas! Nous devisons des Jineteros, petit nom local des arnaqueurs pour touristes qui sévissent et il s’en indigne copieusement avec nous. Au fil de la discussion nous parlons rhum et cigares, il élude rapidement les cigares qui ne nous intéressent pas mais j’accroche un peu plus sur le rhum car je dois en acheter une bouteille pour faire un cadeau au retour. Il me dit que le meilleur rhum de Santiago est le “Mathusalem”, un rhum de 15 ans d’âge exceptionnel que l’on trouve très cher à la marina ou dans les magasins mais lui peut nous indiquer la coopérative où en acheter moins cher. Je n’insiste pas, je dis peut être et il finit le tour de la ville avec nous. A ce moment je fais tout ce que je peux pour qu’il parte car il est trop collant pour être honnête. Dans le parc Cespedes, le centre de Santiago, nous rencontrons des musiciens très sympathiques qui entrainent les enfants dans leur musique, leur font jouer des maracas, essayer la guitare. Nous restons un long moment et Youri commence à montrer des signes d’impatience. Il finit  par me demander si je suis finalement intéressé par le fameux rhum Mathusalem pas cher et, un peu par curiosité, je suis notre homme dans la “coopérative”. Nous pénétrons en fait dans un appartement particulier et une personne, sortie de nulle part me présente une bouteille de rhum avec un bouchon en plastique qui ne me dit rien qui vaille. Finalement s congé en disant que je reviendrai… Peut être…

Nous laissons là Youri que nous ne reverrons pas.

Quelques minutes plus tard, en allant chercher notre déjeuner, nous tombons sur un autre cubain francophone qui nous montre même sa carte d’identité et son nom de famille d’origine française: Lambert. Il nous dit qu’il savait que des français étaient arrivés à la marina car sa mère y travaille. Nous sommes en train d’attendre nos pizza mais il veut absolument nous faire découvrir le meilleur rhum de Santiago: le Mathusalem. Tiens donc! Il va m’emmener à la coopérative pour que je le paye moins cher. Hum… Déja entendu cette histoire quelque part. Encore une fois, je le suis dans la “coopérative”, en fait l’arrière cour d’un restaurant où cette fois on me fait goûter le précieux nectar…

Je ne suis pas amateur éclairé mais ce que j’ai goûté était tout sauf du 15 ans d’âge. Un rhum vieux, certes, toujours dans une bouteille à bouchon de plastique ce qui, même à Cuba, laisse d’habitude présager un rhum bas de gamme.

Nous en restons là, je dis que je reviendrai malgré l’insistance suspecte de mon nouvel ami francophone et les prix qui baissent: 15 CUC la bouteille (soit le prix d’un 5 ans d’âge dans un magasin à Cuba).

En ressassant cet épisode, la vérité me saute aux yeux. Elle ne vous aura pas échappé non plus car, une fois à plat dans un texte, c’est tellement évident. Evident mais bien construit!

Le francophone amical qui vous fait découvrir la ville, qui justement connaît la marina et vous y a déjà vu, qui glisse dans la conversation qu’il veut vous aider à payer moins cher le meilleur rhum du pays et tente finalement de vous vendre du rhum d’entrée de gamme transvasé dans une bouteille bricolée. On se demande d’ils n’ont pas le même script quelque part dans la poche!

Au final, le fameux Mathusalem ne se retrouve dans aucune boutique de la ville et les bouteilles au dessus de 15 CUC se vendent généralement en carton individuel et portent des bouchons de liège. D’ailleurs les plus vieux rhums que j’ai trouvé ici affichaient 11 ans d’âge et se vendaient 40 CUC la bouteille…

Petite mise à jour après avoir retrouvé Internet: le Rhum Mathusalem existe réellement, c’est un rhum cubain de 15 ans d’âge ou plus. Mais à voir les photos des bouteilles vendues 40€ en France, rien à voir avec les bouteilles bas de gamme des arnaqueurs cubains et leur bouchons en plastique !

5 comments

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  1. Stephanie GILARDIN

    Il existe une arnaque similaire à Hong Kong… Avec du thé!

  2. Fredo

    Je reviens de Cuba… Cette histoire m’est arrivé le 1er jour, en parallèle d’un problème d’hôtel… Crédule et un peu perturbé par le souci d’hôtel nous nous sommes fait avoir…
    Du coup nous avons été vaccinés pour tout le reste du voyage !!
    Autre filouterie, a La Havane, des gens qui font croire qu’il y a un festival de salsa pour l’anniv d’un membre du Buena vista social club… Le jour meme dans un bar ou tout le monde est complice.

  3. Stephy

    Bonjour et merci pour ce récit.

    J’aurais aimé lire votre blog avant mon voyage cet été à Cuba.

    En effet, nous avons vécu la même mésaventure que vous, dès notre arrivée à Santiago.
    Une soi-disant professeur de français cubaine, qui s’avérait être une guide escroc prénommée Daniela s’est imposée à nous, dès la descente du taxi sur la place Cespedès. Ce fût ensuite un enchainement d’escroqueries :
    – pause rafraichissante à la casa de los tradiciones où elle prend un mojito que nous payons
    – un déjeuner dans un restaurant du quartier des pêcheurs, d’après elle, où on nous sert des langoustes à 20CUC l’unité sans jamais nous donner la carte malgré nos demandes. Le pire, c’est qu’elle se prend également un plat de langouste et de la bière à nos frais!
    – du rhum ‘Don Anejo Matusalem 15 anos’ avec bouchon en plastique que nous étions sensés aller acheter dans une coopérative… Nous avons atterri dans un appartement sinistre où un monsieur aux dents en or, nous a servi un bon rhum qui malheureusement n’est pas celui qu’ils nous ont vendu. Nous avons acheté 3 bouteilles à 100€!! Je me suis rendue compte de l’arnaque une fois à l’hôtel quand j’ai pu enfin examiner les bouteilles, car la charmante Daniela portait le sac de bouteilles pendant les visites pour nous éviter de nous fatiguer…
    – Dans notre mésaventure, nous avons heureusement eu un brin de lucidité pour refuser les cigares qu’elle souhaitait absolument nous faire acheter.

    Bref, nous avons été comme envoutés, ensorcelés par cette escroc qui nous a terni notre beau séjour à Cuba.
    Heureusement que les cubains ne sont pas tous comme cette voleuse. Le reste du séjour dans les autres villes s’est très bien passé.

    Un conseil pour finir, faites très attention aux soi-disant guides :
    – N’achetez jamais rien par leur intermédiaire (un autre couple de français, rencontré à Trinidad, a acheté 180€ de cigares de feuilles de bananes recommandés par leur ‘guide’!).
    – N’allez dans aucun restaurant ou casa particular avec eux, les prix sont multipliés par 2 à minima

    Outre ces escrocs en puissance, Cuba reste une destination magnifique avec un peuple juste extraordinaire.
    Nous avons hâte d’y retourner et cette fois, sans se faire avoir :)

    Séjour à Cuba en Aout 2015

  4. Long EZ

    Ce rhum existe et on peut le trouver parfois dans certains magasins hors-taxe du gouvernement cubain à 150CUC la bouteille de 750ml. J’en ai acheté de source sûre et il est d’une qualité indéniable, se comparant facilement à des single malt de haut niveau. Le bouchon plastique n’a rien à voir avec la qualité, bonne ou mauvaise. N’oublions pas que nous voyons de plus en plus de très bons vins avec des bouchons alu/plastique. Le liège se fait de plus en plus rare. J’achète ce rhum avec grand plaisir à chaque visite mais oui, attention aux arnaques, le Père Noël ne vend pas d’alcool ni cigares.

  5. Raphatou

    D’accord avec long EZ, Je suis amateur de rhums et je peux vous dire le Matusalem 15 anos est un très cru (meme si ma préférence va aux rhums agricoles des antilles Francaises bien entendu). Le bouchon en plastique n’est pas un probleme puisque ce rhum est aussi vendu en France à l’identique. Par contre, la coopérative c’est de l’arnaque à coup sur puisque le Matusalem n’est plus produit à Cuba mais en Republique dominicaine.

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